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Loin de Bissau

Dominique Loreau récit Lionel Vinche dessins

16 € • 14 x 20 cm • 44 pages • isbn 9782359840056 • 2010 • collection En toutes lettres

 

Dans un village, quelque part en Guinée-Bissau,
impossible d’aller plus loin, il y avait devant moi un fleuve,
et derrière le fleuve, une forêt tropicale.
Assise sur la berge, j’ai regardé des pêcheurs
qui ramenaient tranquillement leurs barques,
en sortaient des filets où s’agitaient quelques poissons.
Un cochon noir reniflait des détritus coincés entre deux racines,
trois poules décharnées picoraient des cailloux.
Et je regardais tout ça comme dans un rêve.
Il régnait une tranquillité pesante, angoissante,
une tranquillité qui efface en un instant l’oubli de soi,
celui que j’étais venue chercher,
une tranquillité qui précipite dans un gouffre intérieur.

 

Sur une berge africaine, un homme et une femme se reconnaissent. Leur histoire commence là, faite de projets et de rêves d’absolus. De retour en Allemagne, leur vie commune se délite et fait naufrage contre les murs d’une prison bien réelle et contre ceux, invisibles, des rêves qui s’effacent (Philippe Simon). 

Dès ce moment-là, ils ne feront plus que se croiser, tentant maladroitement de reconstruire une idée de relation amoureuse ; avec en toile de fond les tensions politiques de l’après-guerre allemande.
Dominique Loreau offre ici un texte fort servi par une prose poétique toute en suggestion. Les images de Lionel Vinche nous parlent du couple tantôt uni, tantôt absent. Il donne, à proprement parler, corps aux personnages par la matière du dessin.

 

LOIN DE BISSAU vu par Philippe Simon :
Il est allemand, elle est belge, ils se rencontrent en Guinée Bissau. Ils vont s’aimer difficilement. Le récit de Loin de Bissau pourrait se lire comme une histoire d’amour qui fait naufrage contre les murs d’une prison bien réelle et contre ceux, invisibles, des rêves qui s’effacent et disparaissent. Et ne sont plus que des rêves.
Une histoire d’amour qui se cherche dans cette valse hésitation où le désir d’une autre vie, ce goût premier d’une destinée rebelle, succombe sous les coups de l’absence et les vérités d’un ordre sans désordre. Usure du temps qui passe, fatigue des sentiments, les liens amoureux s’effritent et se diluent au profit d’une existence plus banale et comme sans consistance. Là où la mémoire des possibles révolus se confond aux souvenirs gercés des étreintes, les corps s’appellent toujours mais ne se trouvent plus alors qu’ils se rêvent encore.

Toute une vie en quelques lignes et surtout les fantômes de ces vies qui frémissaient de voir le jour dans la chaleur partagée des rencontres et des retrouvailles. Pourtant Loin de Bissau est bien plus qu’une simple chronique douce amère de ce qui ne fut pas. Lire Dominique Loreau, c’est faire d’abord et avant tout l’expérience d’une écriture magique dans sa puissance d’évocation comme dans sa simplicité. Plaisir d’écriture devenu plaisir de lecture, son art de dire, le style même de ses mots aspire littéralement le lecteur et le plonge dans une aventure où ce qui se lit se décline sur un mode personnel qui nous éveille à nous-mêmes.
Alchimie du verbe, suspension des ellipses, émotion de ce qui se devine loin, profond, caché derrière la trame romanesque, chaque éclat de texte qui compose Loin de Bissau a la perfection poétique d’une voix intérieure qui prend possession de nous et nous captive et nous laisse comme ébloui. 

Il y a une vérité dans cette façon d’aller à l’essentiel, de surgir dans ce qui lie les mots en un geste de dépouillement qui ne garde d’eux que la voix qui les porte et les dépose en nous. Texture de l’indicible, fragments de ce qui autrement ne serait que silence, la manière de Dominique Loreau est invention d’un hors champ, d’un non dit qui nous devient personnel.

Ce qui ici trouble et appelle l’adhésion tient moins dans le récit amoureux de deux êtres qui s’éloignent l’un de l’autre que dans cette émotion, cette approche sensible de ce qui leur fait défaut. Dominique Loreau ne propose aucune réponse à cette intrigue de l’éloignement, à cette dépossession de soi-même mais par la finesse de son verbe elle nous fait exister sous forme d’émotion ces questions qui cherchent sans cesse à rompre notre isolement, à faire de nos solitudes autre chose qu’une faillite, une absence à la vie.

Appréhension du vivant, réflexion sur ce qui nous tient debout, Loin de Bissau est de ces petites merveilles qui nous donnent le goût de la vie et nous gardent en vie, pas mort, pas mort du tout.

 

 

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