Lorsque Frédérique Dolphijn rencontre l'histoire des Catulas, ces insurgés qui, dans la première moitié du XIXe siècle, se sont rebellés parce que leurs conditions de vie et leur travail ne leur permettaient plus de vivre, elle fait le lien avec ce que l'on appelle, de nos jours, les travailleurs-pauvres. Ceux qui crient leur colère sur les ronds-points, ceux qui prennent leurs tracteurs pour manifester leur ras-le-bol d'être laissés-pour-compte, ceux qui souvent subissent l'indifférence des nantis et du plus grand nombre.
En 1847, à Berzée en Belgique, des conditions climatiques désastreuses et de mauvaises récoltes engendrent un début de famine. Un groupe d'hommes et de femmes décident de changer la donne. D'abord en tentant d'acheter au prix juste le grain nécessaire à leur survie, puis, en dernier recours, en se servant dans les greniers de ceux qui thésaurisent les récoltes et en déterminent le prix selon la loi de l'offre et de la demande. Les révoltés seront repoussés, arrêtés et pour certains incarcérés et jugés. Or, fait étonnant, la cour ne les condamnera pas...
Frédérique Dolphijn brosse un récit tout en nuances. Les différents points de vue sont évoqués, les nantis ne sont pas que les "méchants" de l'histoire ; les insurgés ont aussi leurs failles. Si leurs vies se côtoient, le cycle des saisons et les circonstances de la vie les impactent différemment. C'est dans cette nuance que le récit se tisse, dans les jours qui précèdent l'insurrection elle-même, jusqu'à ses conséquences.
En faisant sienne cette révolte, c'est toute une époque que l'écriture de Frédérique Dolphijn fait revivre, celle d'un siècle où chacun et chacune a sa place et est censé la tenir, jusqu'au jour où tout bascule...
"Elle est là, attentive, dévouée, assurant son poste d'intendante avec ce qui est possible de sa vieille vie. Elle lui tend un linge. Il plonge les mains dans un broc, les frottes avec un savon. Il s'asperge le visage et prend place à la table des domestiques et des servantes.
Une odeur prégnante teinte le lieu. Des grains de café ont été grillés et torréfies. La servante les a passés au moulin. A présent, elle verse de l'eau bouillante sur la mouture déposée dans un double récipient séparé par un filtre. Une invention venue de France, lui a-t-on dit, au joli nom de caféolette."