Huit textes et vingt-six images, comme autant de rêves, tentent de répondre à une seule question qui engage le mystère de toute création spontanée : Comment, de simple facteur rural, Ferdinand Cheval (1836-1924), a pu devenir, sans le moindre apprentissage préalable, un créateur hors normes, bâtissant pendant une trentaine d’année son « Palais idéal » qui, précisément, n’est ni palais ni idéal, comme si la réalité de l’œuvre se dérobait aux termes destinés à la saisir ?
Ce mystère, ici, passe d’abord par un rêve ancien qui émerge de nouveau, pour transformer en rêve toute une vie, désormais consacrée à réaliser l’irréalisable, à rendre visible l’invisible, puis par la langue maternelle, le patois drômois voué à disparaître face à l’envahissement de la langue officielle, le français.
Les pierres patiemment ramassées au cours des tournées journalières du facteur, et qui ont toujours servi d’appui pour une imagination matérielle inépuisable, paraissent ainsi comme l’équivalent des mots de la langue originelle. Ces pierres mises côté à côte, entassées, creusées ou enterrées, disent l’indicible à travers des bouts de rêve.
Nous assistons à la déambulation de Sami-Ali dans et autour du Palais idéal, et le regard qu’il pose sur l’œuvre et son créateur concentre en lui l’essence de la réflexion du philosophe, psychosomaticien et peintre qu’il est.
Et la restitution du processus créateur à travers cette approche d’une esthétique de la marginalité révèle ainsi progressivement tout le pouvoir méconnu du rêve et de l’imagination propres à l’homme.
Ça ne ressemble pas à Dieu
Ça ne ressemble pas à pile ou face
Ça ne ressemble pas à la fin
Ça ne ressemble pas aLors
Ça ne ressemble pas à nous deux
Ça ne ressemble pas à la verticale
Ça ne ressemble pas à la cantonade
Ça ne ressemble pas à la pointe
Ça ne ressemble pas à Cheval
Ça ne ressemble pas à deux plus deux
Ça ne ressemble pas à la lettre
Ça ne ressemble pas au mot
Ça ne ressemble pas à quoi bon ?
Ça ne ressemble pas à la patte d'oie
Ça ne ressemble pas au pied de la lettre
Ça ne ressemble pas à pic
Ça ne ressemble pas à demain
Ça ne ressemble pas au retour
Ça ne ressemble pas au fond
Ça ne ressemble pas au dos de la cuillère
Ça ne ressemble pas à quand ?
Ça ne ressemble pas à l'arrière
Ça ne ressemble pas au retour
Ça ne ressemble pas à gauche
Ça ne ressemble pas au mot de passe
Ça ne ressemble pas à la souris qui accouche d'une montagne
Ça ne ressemble pas à la puissance supérieure
Ça ne ressemble pas à prendre ou à laisser
Ça ne ressemble pas à en devenir fou
Ça ne ressemble pas à ta mère
Ça ne ressemble pas à boire avec modération
Ça ne ressemble pas à bien agiter avant usage
Ça ne ressemble pas à l'œil
Ça ne ressemble pas à coucher dehors
Ça ne ressemble pas à dormir debout
Ça ne ressemble pas à ta mère (bis)
Ça ne ressemble pas à ne pas confondre
Ça ne ressemble pas à suivre
Ça ne ressemble pas à l'heure
Ça ne ressemble pas à la croisée des chemins
Ça ne ressemble pas à la ligne
Ça ne ressemble pas à l'aller comme au retour
Ça ne ressemble pas à deux heures et demie
Ça ne ressemble pas à ne pas perdre de vue
Ça ne ressemble pas à rien
Ça ne ressemble pas à ton compte
Ça ne ressemble pas à vérifier
Ça ne ressemble pas à continuer
Ça ne ressemble pas à pâlir d'effroi
Ça ne ressemble pas à en avoir la chair de poule
Ça ne ressemble pas à tomber dans les pommes
Ça ne ressemble pas à s'arracher les cheveux
Ça ne ressemble pas à boire ou à manger
Ça ne ressemble pas à donner à voir
Ça ne ressemble pas à prendre avec des pincettes
Ça ne ressemble pas à qui perd gagne
Mais
Tout ça ressemble au Facteur Idéal du Palais Cheval
Sami-Ali, le 13 juillet 2010