d'après un conte des Frères Grimm
Ici, on est loin des paillettes, du bal, du prince charmant et de la vie de château où tout coule de source, où tout – l’argent / la gloire / l’amant évidemment parfait, la triade adulée des plus irréfléchies d’entre nous – où ce « tout » vous serait donné par le plus chanceux des hasards.
Il faut avoir pris un peu d’âge pour se rendre compte qu’un conte c’est l’histoire tourmentée de l’éveil d’une conscience peu à peu dépouillée de ses illusions, dont on finit par faire une belle et forte histoire de désir.
Un mouvement vers une alliance souple plutôt que vers l’acquisition stable d’un tout. Le chemin autant que le but. Le chemin et une certaine pratique de la marche devenant le but.
Les premiers mots du Cercueil de verre des frères Grimm, « Que nul ne dise qu’un pauvre tailleur ne saurait aller loin et parvenir aux grands honneurs ! Il lui suffit de… » suscitent l’étonnement de la conteuse : un conte, ça peut commencer par la morale ? ça peut encourager une poursuite de notoriété ?
Ces questions amorcent une réflexion sur ce conte-là en particulier et les contes qui habitent notre imaginaire. Formes, codes, valeurs véhiculées, Myriam Mallié déroule sa pensée en mettant en scène une conversation entre deux conteuses.
En parallèle, il y a le conte, raconté, avec son rythme, ses silences, et tout ce qu’il contient en termes de messages, d’arrière-plans, de symboles et de poésie : la forêt, le chêne, le cerf, le frère et la sœur, la jeune fille endormie, l’inconnu maléfique, le tailleur qui cherche la lumière…
Et le récit glisse dans sa trame les questions de notre temps sur l’avidité, le pouvoir, la soif de reconnaissance, la place des femmes, la place que nous laissons à nos rêves qui se débattent inlassablement entre avoir et être.
Myriam Mallié plante les graines d’une réflexion globale sur l’imaginaire, la tradition des contes et l’importance du choix des mots. Lire un conte avec elle revient à en percer l’intelligence tout en glanant des clefs pour grandir.
Tout se tient dans ces histoires, dit-elle, de l’une à l’autre, on tourne autour des mêmes questions depuis toujours.
"« Que nul ne dise qu’un pauvre tailleur ne saurait aller bien loin, ni parvenir aux grands honneurs ! Il lui suffit seulement de frapper à la bonne porte et que cela lui réussisse, ce qui est la chose principale », tel est l’incipit du conte qui nous occupe. Délivrer ainsi d’entrée de jeu sa morale et, qui plus est, la formuler de manière quasi dogmatique, voilà qui déconcerte la narratrice. En quête de réponses, elle se tourne alors vers Elisa, une amie qui écorce les roseaux et tisse des récits avec une agilité éblouissante. À deux, au bord d’une berge, elles questionnent l’ici et maintenant ainsi que l’ailleurs et jadis. Au cours d’une discussion dynamique, elles entremêlent en effet conte originel, commentaires nourris et interprétations ouvertes, et perpétuent par leurs paroles croisées son pouvoir d’enchantement." Samia Hammami, Le Carnet et les Instants, coup de cœur
"Au milieu de chaque conte, il y a un autre conte. Au bout de chaque conte, un conte nouveau. A la différence du rêve, c’est nous qui les inventons, et qui pouvons les réaliser. Il suffit de soulever le couvercle du cercueil de verre. Il était une fois…" Joseph Bodson