« Ce conte a hanté, et enchanté, mon enfance. Mais le personnage de la sorcière qui arrache la langue de la petite Sirène en échange de jambes de femme m’a autant fascinée que terrifiée. Plus tard, je me suis dit que ce conte pouvait être entendu autrement que comme une histoire d’amour ratée, fondée sur une épouvantable méprise. Pour le comprendre, il me fallait faire dialoguer la petite Sirène et sa tortionnaire, que j’ai appelée « la Mutilante ». Méditer sur ma propre histoire, et, en elle, sur la force – et les lois – du désir et du temps. Sur la transmission, le lien, la nécessité de certaines séparations… et tant d’autres choses essentielles, comme savent les contes. En me donnant la liberté de faire du conte un récit qui soit mien, le texte a pris peu à peu la forme d’une lettre écrite par la Mutilante à la petite Sirène. C’est donc une sorte de parole marine et maternelle, peu à peu aimante, une parole de « sous la surface de l’eau », adressée à la jeune fille. Une parole qui lui raconte, étape par étape, son périple pour se donner un corps, une âme, une parole qui soient réellement siens. L’amour en a été l’outil, blessant et pourtant créateur, la terre, le lieu de son déploiement. Et la Mutilante, dans ces grands fonds marins, a trouvé son apaisement. »
Myriam Mallié