Stéphane Ebner texte • Nicolas Mayné dessins
Un mur en briques et derrière, dense et colorée, une jungle... de celles que l’on explore, à l’aventure, au mépris des risques, et à l’affût d’une rencontre.
Dans cette jungle, un Loris, petit, timide et très embêté, cherche de l’aide, car il a coincé son ba... Mais on l’interrompt, on le houspille, on le pourchasse! Et cette jungle chatoyante devient familière à chaque enfant. Terrain de jeu, où l’on chantonne, où l’on joue aux indiens, où l’on se bagarre parfois, et surtout, où l’on se crée des amis, cette jungle ne serait-elle pas, en fin de compte, une cour de récréation?
Parce que tout le monde le sait, la cour de récréation, c’est parfois un peu la jungle. La comparaison est connue, elle est ici assumée et revendiquée par Stéphane Ebner et Nicolas Mayné qui la prenne au pied de la lettre : enfants, indiens et animaux sauvages se côtoient, se confondent, et finalement ne font plus qu’un. Et dans ce milieu hostile, comment notre petit Loris, si doux, si timide, trouvera-t-il sa place? Entre tentative maladroite, incompréhension, faux problèmes et vraies questions, finira-t-il par trouver un allié pour retrouver son ba... son ballon? (la réponse est évidemment oui).
Dans la jungle de Tôa Moä, chacun cherche sa place, tente de se conformer au groupe, parce qu’être accepté est l’une des questions fondamentales de l’enfance. Où se faire des amis? Comment laisser la place à l’autre?
Les deux amis artistes, Stéphane Ebner et Nicolas Mayné, explorent ces questions universelles dans un album qui foisonne de détails à observer dans des illustrations hautes en couleurs et où le texte se scande et se raconte à hauteur d’enfant.
Franchis la grille et tais-toi, observe. Si tu restes longtemps immobile, si tu ne bouges pas, tu auras peut-être la chance de voir passer l’une des bêtes sauvages qui peuplent ce livre. Sont-elles nombreuses ? Oui, très nombreuses. Dangereuses ? Certaines sont effrayantes.
Les aquarelles et les collages expressifs de Nicolas Mayné traduisent le plaisir à faire coexister jungle et briques, animaux et enfants, et à représenter des postures qui pourraient conduire à des lectures gesticulées. Les mouvements du petit héros sont comme décomposés et entrainent le lecteur dans un parcours sans pause vers la suite du récit, en quête de l’objet perdu, toujours plus loin dans la traversée de ce paysage aux occupants blagueurs, cruels, changeants, charmants. Si les indices sont bien présents dans le livre, la métaphore de la cour de récréation comme jungle n’est pas livrée à l’enfant pour qui l’univers suggéré paraîtra à la fois familier et mystérieux. Quant à la question de savoir comment récupérer ce fichu ballon coincé, il faudra attendre de l’aide, ou pire, la solliciter. Dans cet espace impressionnant, certes… mais dont l’exploration pourrait faire grandir d’un poil.
Un article de Violaine Gréant pour Le Carnet et les Instants, février 2022.