Mon nom est Saïd et je vole dans le ciel. Pour le moment je suis encore vivant. Je vole dans les yeux d'un berger. Je traverse l'auréole lumineuse de ses yeux. Au moins, lui, nous auras vus voler juste avant que Neil Armstrong ne marche sur la lune et que le monde se taise devant l'image bleutée d'une télévision.
Une seconde et tout bascule. Dans leur voiture, Saïd et Zacharie volent. Il y a l'avant, le camping sur l’île, les jeunes dont ils s’occupent, la bagarre et la course-poursuite. Il y aura l'après, au village, le rassemblement autour de l'événement lunaire que la télé relaye et qui occulte l'instant présent. Une seconde qui s'éternise et accentue le décalage entre le fait divers et le fait historique, entre les gens d'ici et ceux d'ailleurs. Une seconde pour que notre attention versatile projette dans le même plan séquence la lune qui brille pour la terre, l’homme qui la foule du pied et ceux qui rêvent de montrer à quelques adolescents le monde et ce qu'il est possible d’y faire.
Joël Bastard nous entraîne dans une écriture de l'instant. Les phrases courtes, percutantes, reconstruisent petite à petit le puzzle du récit. Les encres de Patrick Devreux y répondent, en contrastes et nuances. Des encres de plus en plus sombres, au fur et à mesure que le drame fait place à l'insouciance des vacances.