Farid Belkahia est né à Marrakech en 1934, il vit et travaille au Maroc. Après cinq années de formation passées à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, il part pour Prague où il suit pendant trois ans des cours de décor de théâtre. De 1962 à 1974, il dirige l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca. Il passe par le papier (1950-1964) et le cuivre (1964-1975) avant d'orienter ses recherches vers une peinture sur peau : mémoire et art contemporain s'y rejoignent.
"Les images de Farid Belkahia savent ce que nous ignorons d'elles. Elles proposent un principe du plaisir dans un temps immémorial qui précède l'écart entre le jouir et le connaître. Le temps de ce plaisir soude l'imagination, l'esthétique, à l'entendement, la logique. Plein de signes renvoient à la vie. Les œuvres s'appellent entre autres, Malhoun, Main, Aube noire, Labyrinthe, Arbre magique ou nocturne, Procession, Transe, Ange bleu ou blanc, Somalia, Jérusalem. C'est un dédale imaginaire qui prend sa source dans la mémoire d'une culture. Souvent, sa réalisation est faite de henné sur peau, deux éléments qui deviennent très sensuels lorsqu'ils se rencontrent : les feuilles séchées et pulvérisées, la teinture des lèvres, des paupières, des mains. Le parcours est sibyllin."
J.-P. Van Thiegem, extrait d'Une autre naissance de la mémoire
"La mémoire dans l'œuvre de Farid Belkahia est comme le fleuve d'Héraclite qu'on ne traverse jamais deux fois. La mémoire est vrillée par une ouverture infinie sur un temps à venir, où l'amnésie œuvre non pour dilapider sa matière première mais pour la propulser dans le possible d'un temps inconnu et vers lequel on ne peut que tendre. Le bruissement des réminiscences devient alors le fondement même d'un questionnement sans lequel tout signe demeurerait une représentation figée et sans intérêt aucun. Ce que vous voyez n'est pas ce que vous croyez. Voilà ce que nous propose de lire ce travail. Ainsi la référence à la procession ou à la transe, loin de simplement répertorier des pratiques socioculturelles, va, par une réflexion très élaborée sur la proximité et la distance dans le phénomène du signe, creuser une perception du rythme et de l'espace qui fera dire à Farid Belkahia : "L'homme et la femme, sous l'effet du rythme, se transforment en ligne dans l'espace. L'homme dessine un cercle et la femme un triangle. Et le plus extraordinaire, c'est que ces formes rendent lisibles et transparentes leurs attitudes sexuelles conformément aux règles sociales du milieu auquel ils appartiennent". De la même manière, si la série sur le Melhoum est un hommage à cette poésie populaire, elle occasionne dans l'alphabet interne de Belkahia une réécriture érotique et lyrique du corps de la femme toujours fragmenté et disrompu, aussi loin que l'on remonte dans la genèse de son travail."
Rajae Benchemsi, extrait de Le jeu du signe et de l'histoire