[presse] Silva
"20 pages, seulement, à la sève épaisse et collante qui circule irrésistiblement, irrigue profondément. Silva, pluriellement singulière et singulièrement plurielle." Samia Hammami, Le Carnet et les Instants
"Un arbre parle 'Je pousse. Je continue de pousser malgré moi. Quelque chose de plus fort que moi me prolonge jusqu'au ciel.'" La Revue des Livres pour Enfants
C'est un arbre, une forêt
Samia Hammami, Le Carnet et les Instants, avril 2023
"En latin, Silva désigne le bois, le bosquet et, au figuré, une grande quantité, une matière abondante. Dans la langue de Sara Gréselle, le concret et l’imagé fusionnent, et Silva évoque ainsi à la fois la femme-arbre et la femme-forêt. En termes éditoriaux, Silva se concentre en une plaquette, mince et allongée : 20 pages, seulement, à la sève épaisse et collante qui circule irrésistiblement, irrigue profondément. Silva, pluriellement singulière et singulièrement plurielle.
Dans ce texte puissant, Gréselle s’arrête sur une expérience intime, qu’une femme sur quatre connaîtrait, ce qui d’ailleurs « […] ne chang[e] rien à la solitude de l’expérience ». Un jour de Vénus pas très lointain donc, « une de [s]es branche a été arrachées. Non, ce n’est pas ça : une de [s]es branche est tombée. Ça n’a pas fait le bruit qu[’elle] avai[t] imaginé ». Les mots posés soulignent la délicatesse du moment et trahissent un mouvement qui ne souffre aucun retour en arrière : une fois que la branche, qui partage le flux vivant, les terminaisons nerveuses et la pulsation intérieure, se détache, elle retourne à la terre, qui accueille en silence. Il faut ensuite cautériser l’écorce blessée, accepter le temps de la cicatrisation et « faire confiance aux racines, au réveil du printemps, le temps que revienne, un jour, le chant des oiseaux ». Car le cycle, immuable, suivra son cours.
Silva, musique textuelle et danse graphique, végétalise un nœud-charnière de l’existence de Gréselle. L’ouvrage, entre exorcisme et partage, accueille des dessins inquiets à la finesse prodigieuse. On se perd dans les illustrations mystérieuses aussi sûrement que dans la contemplation de fibres ligneuses ou les rugosités d’un tronc. La poésie se niche dans des traits fermes et déliés, étranges mais familiers, à la palpitation secrète : « Personne ne le voit, personne ne l’entend mais je me déplace lentement en silence à l’intérieur. Ça monte et ça descend. Il y a des ascenseurs pour toute forme de vie. »
Face à une épreuve, espaces d’intériorité et gestes de reconstruction peuvent s’imposer. Gréselle, elle, les a concrétisés dans un livre, dont les racines plongent au cœur d’un atelier d’écriture. Son témoignage sensible, pudique et immensément individuel réaffirme avec évidence que la vie est là, à travers, autour, en et au-delà de nous. Elle est là et continuera, malgré nos (non-)choix, toujours. À nous alors d’« accepter [no]s déviations, [no]s détours enroulés, [no]s retours de pensée. [No]s aspérités venimeuses, [notre] côté pas beau. [No]s angles moches, [no]s angles morts. [No]s faux départs, [no]s grandes évanouies »…"
"Un arbre parle 'Je pousse. Je continue de pousser malgré moi. Quelque chose de plus fort que moi me prolonge jusqu'au ciel.'" La Revue des Livres pour Enfants, juillet 2023