Entretien avec Geneviève Casterman
Sur la plateforme La mare aux mots, un entretien entre Geneviève Casterman et Catherine Pineur.
Pour la septième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Myren Duval et Marie-Aude Murail, Caroline Solé et Vincent Villeminot, cette semaine c’est Catherine Pineur qui a choisi Geneviève Casterman !
Catherine Pineur : Le croisement du monde de l’enfance et celui de l’art dans 100(0) moments de dessin m’impressionne, comment les liens se sont-ils tricotés pour la création de cet ouvrage passionnant ?
Geneviève Casterman : Ce livre est né d’une longue réflexion et surtout de l’observation des nombreux enfants (je les évalue à 1 500 plus… les deux miens !) avec lesquels j’ai travaillé en tant qu’institutrice d’abord et ensuite à l’École des Arts d’Ixelles où j’étais responsable de l’atelier préparatoire (6/9 ans).
Lorsque le Copain des peintres paru chez Milan a été épuisé et que j’ai appris qu’il ne serait pas réédité, j’ai éprouvé le besoin de faire une sorte de bilan de ce que j’avais expérimenté avec les enfants.
J’ai consulté les livres existant sur ce sujet, l’idée étant de chercher quelle était ma spécificité dans ce domaine. J’ai noté tout ce que j’avais envie de proposer dans mes ateliers, tout le matériel disponible dans mon local, etc.
Ce qui m’importe le plus c’est l’authenticité des œuvres d’enfants. Je ne veux pas qu’elles soient des « produits d’efforts pédagogiques », mais de véritables créations.
Je fais des suggestions, souvent inspirées de ce que j’aurais aimé faire moi-même étant enfant, et j’accompagne le travail en mettant à disposition des outils, des matériaux, parfois insolites. Je n’ai jamais d’attente de résultat et je m’émerveille de ce que les enfants font. Étant auteur-illustratrice, je m’aperçois que la narration a une place importante dans ces créations. Les enfants se racontent.
Je n’avais pas d’idée préconçue de la forme que ce livre prendrait. Mais un jour, je suis « tombée » dans une librairie sur le livre de Umberto Ecco Infinity of list (traduit « Vertige de la liste ») et le franc, comme on dit, est tombé : je ne donnerais pas de consignes, d’instructions, ce serait un livre compilant les listes que j’avais faites et que le lecteur pourrait s’approprier librement, en jouant avec les numéros, en entrant dans le livre comme il le souhaite.
Une liste c’est en effet infini et vertigineux : ce livre est un état de ma réflexion. Si j’avais à le refaire aujourd’hui, il serait encore différent.
Pour les images, j’ai fait une liste de 100 verbes liés à l’enfance que j’ai soumise à des amis artistes et je leur ai demandé d’entourer ceux qui leur parlaient le plus.
Les images s’enchaînent en fonction de ces verbes. Je voulais mêler les œuvres d’enfants et d’artistes.
Catherine Pineur : As-tu un petit (ou grand) rituel avant de dessiner, d’écrire une histoire ?
Geneviève Casterman : J’adore les rituels. Quand je suis à la maison, je monte dans l’atelier avec ma tasse de thé et je dessine en écoutant la radio ou des podcasts. Il m’arrive souvent le soir de m’interrompre avant d’avoir terminé ce que je faisais. Comme cela le lendemain, je sais par quoi je vais commencer.
Je fais des listes « ce que je veux faire aujourd’hui, cette semaine, ce mois-ci ».
Quand je suis en résidence à Rome ou en été, je commence la journée en allant courir trois quarts d’heure, une heure. C’est en courant que je mets mes idées en place.
Tous les jours, j’écris et/ou je dessine dans un petit carnet. J’en ai un par mois.
Et quand j’entame un nouveau projet, je commence par mettre de l’ordre dans l’atelier puis je m’installe pour relire mes carnets.
Catherine Pineur : Si tu étais un barbapapa en quoi te transformerais-tu ?
Geneviève Casterman : Je ne connais pas bien cette série, car j’étais déjà plus grande quand elle a été créée dans les années 70.
Mais si je pouvais me transformer, ce serait en montgolfière ou en tapis volant. Je rêve souvent que je vole et cela me procure une sensation de bien-être incomparable…
article publié en juillet 2022, à lire sur le blog La mare aux mots