[presse] Le Netsuke

Avec Le netsuke, l’écrivain joue sur les limites entre fiction et autobiographie. Le narrateur, un adolescent dans le Bruxelles des années 1970 et 1980, ressemble étrangement au jeune Thomas Lavachery. (Nausicaa Dewez)

 

A la recherche de l'adolescence perdue

Julie Delcourt, Karoo, novembre 2022

"Le Netsuke est un livre écrit par Thomas Lavachery, publié aux éditions Esperluètes en septembre 2022. L’ouvrage se veut autobiographique et retrace la jeunesse adolescente de l’écrivain, à l’époque d’une Bruxelles rajeunie d’une cinquantaine d’années.

Le Netsuke est une autobiographie qui rend poreuse la frontière entre la réalité et la fiction. L’auteur indique qu’il s’agit d’un livre qui raconte sa jeunesse dans les années 1970 et 1980, dans les rues bruxelloises. Pourtant, le personnage principal se prénomme Jacques Mellery. Un pseudonyme ?

Sur la première de couverture, on retrouve le mot « *roman » précédé d’un astérisque mais sans glose. Comme s’il s’agissait d’un roman mais pas complètement… La « vraie vie » étant présente dans cet ouvrage.

Les autres personnages du Netsuke sont eux aussi un mélange de réel et de fictif, si l’on se fie à ce qu’en dit l’auteur et les informations tous azimuts sur le net. Certains protagonistes sont donc de pures inventions tandis que d’autres trouvent leur copie conforme dans la réalité.

Les rues et autres endroits sillonnés par le narrateur-auteur, eux, sont bien réels et renvoient à des lieux précis, encore connus de nos jours. La place du Jeu de Balle, le quartier du Sablon, les Marolles, Brugmann, etc. Ces espaces s’échelonnent un à un et servent de toile de fond à l’auteur-narrateur qui y raconte sa vie, énumère ses amitiés, présente sa famille, son entourage. Avec ces lieux réels et déterminés, le saut dans la fiction n’est pas total.

Jacques Mellery passe d’ailleurs plus de temps dans les familles de ses amis que chez son propre père, trop absent, qui travaille au noir depuis plus de dix ans. Il se vante d’être apprécié de tout le monde, « de bien passer » auprès du petit peuple bruxellois, rendant presque jaloux ses camarades de classe.

« Mon père était un brave homme mais il ne m’agréait pas, comme père. Absent la plupart du temps, il l’était plus encore, si je puis dire, lorsqu’il se trouvait à la maison. C’était une personne passive, mutique, une espèce de rêveur sage avec qui je partageais peu. Mon temps, ma vie, se déroulait à l’extérieur. Je connaissais tout un tas de monde. »

Il y a la famille Deroo, la famille Flausse mais aussi Eddy Frissen, qui joue un rôle central dans le roman. C’est Eddy qui fait découvrir à Jacques la boxe, qui aura un véritable effet de catharsis sur le jeune narrateur. Les deux hommes noueront une solide amitié et se soutiendront dans les bons comme dans les mauvais moments de leur vie. 

Entre toutes ces histoires, semble percer une forme de nostalgie du « bon temps », celle de l’adolescence, où il était possible de faire les 400 coups et d’hériter simplement d’une réprimande ou d’une punition. Loin des responsabilités des adultes.

Un récit de vie, entre amour et amitié

D’emblée, le lecteur cerne que Jacques Mellery accorde beaucoup d’importance aux relations qu’il entretient. Chaque moment passé en compagnie des personnages est détaillé de façon précise, bienveillante et chaleureuse. Un seul et unique passage contraste avec cette atmosphère générale : il s’agit du moment où le héros se fait battre par un inconnu. Sans défense et sans aucune prise sur cette agression physique, il en ressort avec des séquelles et du mépris, qu’il alimente tout au long de son récit. En effet, de manière sporadique, apparaissent de brefs passages de colère, de crise, de rancœur à l’égard de ce personnage agresseur. Ils ponctuent le récit calme, savant et raisonné de Jacques Mellery, songeant à une revanche sans jamais passer à l’action.

Force est de constater que le roman se dote d’une tonalité très simple et se pose comme un récit de vie, aux tournures réalistes et descriptives, loin des histoires rocambolesques et aventureuses. Attention donc, pour les amateurs de drame ou de thriller au contenu rempli de péripéties : vous risquez d’être déçu. Le roman est plus tourné vers la réflexion.

Le titre, lui, fait référence à un tout petit passage de l’ouvrage : lorsque le personnage principal se met à collectionner des netsuke, des figurines japonaises vestimentaires traditionnelles qui servent à maintenir l’accoutrement. Un objet très personnel, creuset des émotions du narrateur.

« Je l’ai encore ce netsuke, il ne me quitte jamais. Dans les moments difficiles, je lui parle et je l’implore, usant de prières à moi, fixées par l’usage. Il est mon grigri, mon dieu de poche, une entorse à mon athéisme déclaré. Je l’ai égaré en deux occasions, à des années d’intervalle, et ce fut chaque fois un mini-drame. »

Au fur et mesure de la lecture, on en apprend plus sur l’auteur. On lit la genèse de ses exercices d’écriture et son goût prononcé pour la belle littérature. Tout au long du Netsuke, le lecteur découvre les premiers écrits de Jacques Mellery, ses essais, ses poèmes et même une partie du premier chapitre de l’Espion, un roman qu’il a écrit sous l’impulsion et les idées bien arrêtées d’Anna Olt, Hongroise d’origine et voisine d’un de ses amis. Atteinte d’un lupus et cachant son visage à l’aide d’un masque buccal, elle garde un air mystérieux. Elle semble insondable. C’est sans doute ce qui fait son charme et explique la raison pour laquelle le héros en pince pour elle.

Un mélange de littérature

Le Netsuke jongle avec les genres littéraires : il mélange prose et poésie, de quoi donner un autre rythme à la lecture. Et le principe de mise en abyme est présent : il s’agit d’un livre, d’un texte littéraire, dans lequel d’autres formes littéraires (de la poésie, des extraits de roman, des lettres, etc.) sont incorporés…

Il n’y a que les amoureux des Belles-Lettres pour dire que lorsqu’ils ont arrêté d’écrire, ils ont fait vœu d’abstinence littéraire, comme l’indique le narrateur-écrivain : « Mon voeu d’abstinence littéraire aurait duré dix jours. Je lui emprunterai une pièce de Brecht pour copier la mise en forme et entamai le travail (...) ».

Les références à la littérature anglaise (les sœurs Brontë par exemple) et russe sont aussi nombreuses dans le roman. Le lecteur parfait ses connaissances en littérature en même temps que Jacques Mellery, pupille de Anna Olt et Klara Olt, lui apprenant tout ce qu’elles connaissent et les figures qu’elles estiment être des références en la matière. L’auteur-narrateur renforce sa culture et confesse qu’initialement, il n’avait pas un savoir très dense. Tout au long du roman, il se passionne pour l’écriture de nouvelles et se fait corriger par le duo féminin. 

« J’apportai d’autres nouvelles, un conte fantastique… Très vite, Klara me proposa de travailler sur place. Elle m’installa un bureau dans le salon, me prêta sa Remington équipée d’un ruban neuf. Mes textes furent discutés en commun, analysés dans la gaieté. La critique orale avait remplacé les notes. »

Le Netsuke s’est lu très facilement pour ma part, sans efforts de concentration. Suivre les aventures de l’auteur dans différents endroits de la capitale était aisé étant donné que j’avais déjà visité la plupart de ces endroits phares. Cela me permettait de me représenter distinctement et mentalement les rues de Bruxelles ainsi que le narrateur en pleine action.

La découverte de la vie de l’auteur et essayer de différencier le vrai du faux demande en revanche de la concentration (enfin, c’est le défi personnel que je me suis donné en lisant ce livre). Qu’est ce qui est réel ? Qu’est-ce qui est fictif ? Je n’ai pas réussi. On n’y parvient pas vraiment… La vérité ultime ne se trouve pas à la fin de l’ouvrage. Là repose sans doute la plus grande force du « *roman ». Même en vivant les moments les plus intimes avec l’auteur-narrateur, en partageant ses moindres secrets et ressentis, on ne sait pourtant pas s’il s’agit de la vérité ou d’un mensonge."

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Le collectionneur d'expériences

Samia Hammami, Le Carnet et les Instants, octobre 2022

"Dans Le netsuke, le nouveau roman de Thomas Lavachery, le narrateur Jacques Mellery raconte avec une tendresse douce-amère la fin de son adolescence. À cette époque, il passe ses journées hors de sa maison, dénuée de présence maternelle (par la mort) et paternelle (par l’effacement). En-dehors de l’école, où il ne brille pas par son implication, il explore sa commune et fréquente aussi bien les esseulés que les familles de ses camarades au sein desquelles il se voit accueilli avec évidence. Encore maintenant, « [il] ignore ce qui plaisait en [lui] mais [il] ne devai[t] pas en faire beaucoup pour [s]e faire accepter ». Peut-être était-ce dû à sa plasticité sociale, sympathique petit caméléon lui qui « changeai[t] de manière d’être, de parler, en fonction des personnes avec qui [il] se trouvai[t] ».

Le Jacques d’alors se découvre de multiples passions, des plus physiques aux plus cérébrales. D’un côté, après une dérouillée en bonne et due forme infligée par une crapule de quartier, il se lance à corps perdu dans l’exercice de la boxe. Malgré sa gnaque rageuse, il ne deviendra pas le Ryad Merhy des années 1980 et ne décochera finalement ses uppercuts que sur le ring du club de boxe de la rue Cervantès. Mais il remportera un prix autrement plus précieux : l’amitié indéfectible d’Eddy Friessen, le bras droit du coach, un cœur tendre aux manières bourrues, à l’humanité débordante. D’un autre côté se déploie en lui la nécessité de l’écriture. « C’est lors d’un cours de géographie, par une après-midi languissante, qu[’il a s]a première vision de romancier. » Sa plume s’agite, les mots fusent, les histoires prennent vie. Très vite, il diffuse ses œuvres et recueille les avis de ses proches. Et l’adage se révèle d’une justesse indiscutable : c’est en écrivant qu’on devient écrivain. Entre ces deux activités prenantes, Jacques entretient des amitiés variées, explore les puces (celles de la Place du Jeu de Balle ayant sa préférence) où il déniche des trésors et initie plusieurs collections… et s’essaie à l’amour. Il y aura Liliane Flausse, libre et inconstante ; et aussi Anna Olt, farouche, fragile et brillante. Chacune imprimera des vibrations et des impressions durables sur lui…

Lavachery signe ici un roman d’apprentissage rythmé. À travers de courts chapitres, il brosse les lignes directrices de la construction d’un être curieux de tout, avec le regard distant qu’offre le recul sur les événements. Son style, clair, maîtrisé et fluide, porte avec précision les réflexions du narrateur, évoque avec bonheur le Bruxelles d’antan et esquisse avec efficacité le portrait des personnes/personnages qu’il côtoie. Autant de bonnes raisons de se plonger dans Le netsuke…"

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L'adolescence bruxelloise d'un écrivain

Jean-Claude Vantroyen, Le Soir, Supplément Lire, novembre 2022

 

 


 

Excellent livre

Dominique Bovesse, Lu et partagé! n°4, novembre 2022

La revue complète est à lire ici

 


Errance bruxelloise

Michel Paquot, L'appel, octobre 2022

 

 


Un roman d'apprentissage aux couleurs des années 80

blog Les Notes, catégorie Hors Champs, octobre 2022

"Bruxelles dans les années 1980. Un narrateur raconte ses années de jeunesse au cœur de la capitale belge. Avec le recul il s’étonne que ce quasi orphelin (il a perdu sa mère et s’entend peu avec son père) soit accueilli partout, chez des êtres esseulés comme dans des familles nombreuses… Les rencontres sont riches et amicales.

Le narrateur, qui ressemble étrangement à l’auteur, Thomas Lavachery, fait resurgir un monde disparu, son entourage de l’époque, ses rencontres, ses premières amours, l’initiation à la boxe, son éveil à la littérature. Il ressuscite ces années essentielles d’apprentissage avec une sensibilité touchante, recréant une ambiance chaleureuse, évoquant une galerie de personnages hauts en couleur : le quincailler, la famille Deroo, la famille Flausse, Eddy Frissen le boxeur… La rencontre avec une certaine Anna, une jeune fille atteinte d’un mal mystérieux l’obligeant à cacher son visage, sera décisive ; elle accompagne ses débuts en écriture, le corrigeant sévèrement avec un jugement très sûr. Une relation d’amitié amoureuse se développe, particulièrement touchante. Un roman d’apprentissage aux couleurs des années 80, qui rappellera à certains leurs années d’adolescence. (F.E et P.E)"

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Le Netsuke - La rentrée littéraire 2022

Un article de Nausicaa Dewez publié sur le site Le Carnet et les Instants le 2 juillet sur le nouveau livre de Thomas Lavachery, Le Netsuke.
 
« Aux éditions Esperluète, la rentrée du roman débutera le 9 septembre avec Le netsuke, de Thomas Lavachery. Classique incontournable en littérature pour la jeunesse, Thomas Lavachery ajoute une ligne à sa bibliographie de littérature générale, un an après Le cercle, qui lui a valu une place de finaliste du Rossel 2021. Avec Le netsuke, l’écrivain joue sur les limites entre fiction et autobiographie. Le narrateur, un adolescent dans le Bruxelles des années 1970 et 1980, ressemble étrangement au jeune Thomas Lavachery. »
 
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