[presse] Révérends Pères

Un livre comme un cri… retrouvez ici la revue de presse de ce titre bouleversant. 

 

Mon silence, je ne me l'explique pas

au micro d'Olivier Nederlandt, émission Transversales, RTBF radio, octobre 2023

Il n'est sorti du silence que l'an dernier, à 70 ans passés... Pendant plusieurs années, alors qu'il était adolescent, Jean-Marc Turine sera abusé par plusieurs pères jésuites au Collège Saint-Michel à Bruxelles. C'était au début des années '60...

à écouter sur le site rtbf

 


 

Le grand débat: Pédocriminalité au sein de l’Eglise

Julie Morelle, émission Déclic, RTBF, octobre 2023

une émission à écouter sur le site rtbf 

 


 

Abus dans l'Eglise : Combien sommes-nous à avoir été massacrés? 

Mélanie Joris et Baptiste Hupin, RTBF, septembre 2023

 

En Flandre, la série documentaire Godvergeten a bouleversé de nombreux téléspectateurs. Avec beaucoup de pudeur, des hommes et des femmes ont révélé les abus sexuels qu’ils ont subis de la part d’hommes d’Église. Ces abus ont été commis des deux côtés de la frontière linguistique. Jean-Marc Turine a été abusé pendant toute sa scolarité au Collège Saint-Michel de Bruxelles. Soixante ans plus tard, il a décidé de sortir du silence avec un livre : "Révérends Pères". Aujourd’hui, il pose cette question : "Combien sommes-nous à avoir été massacrés ?".
Jean-Marc Turine a douze ans lorsque les premiers abus commencent. Ils sont commis par son titulaire de l’époque : "C’était d’abord des attouchements, légers sans doute, et puis des convocations dans la chambre. Je devais ouvrir ma chemise. Il y passait sa main, il caressait ma poitrine. Puis il fallait que j’ouvre ma braguette et il mettait sa main dans mon slip". Jean-Marc Turine poursuit son récit avec émotion : "Tu as 12-13 ans, tu ne comprends rien. Tu sors de cette chambre, tu titubes et puis tu vas vomir dans les toilettes. Et ça se répète avec lui. Et avec d’autres".

Pourquoi moi ? Pourquoi ne rien dire ?

Aujourd’hui, avec le recul, Jean-Marc Turine essaie de comprendre pourquoi il a été la proie de quatre prédateurs différents : "Nous étions sans doute des enfants d’une fragilité telle qu’ils le sentaient tout de suite, ils pouvaient sauter sur l’occasion. Et ils le faisaient sans vergogne".Une autre question taraude Jean-Marc Turine. Pourquoi n’a-t-il pas réussi à dénoncer ses agresseurs ? Pourquoi s’est-il tu si longtemps ? "Mon silence, je ne me l’explique pas. Mais les faits sont indicibles. Comment aurais-je pu dire à ma mère : "il y a ce type qui me pelote et qui touche mon sexe dans sa chambre ?"."Et pourtant, la colère l’anime pendant toutes ces années : "J’avais une colère intérieure, un dégoût profond de ces attouchements et de ces types, mais j’étais sans réaction". Et encore aujourd’hui : "J’ai une colère en moi, une violence constance à l’égard de tout, de la vie. Une haine, beaucoup de haine".

Important d’écrire même si ça ne soulage rien

Il y a un an et demi, Jean-Marc Turine a sorti un livre, "Révérends Pères", dans lequel il raconte ces années terribles. Il lui aura fallu trois ans pour accoucher de ce texte. "C’est important mais ça ne soulage rien. C’est devenu une sorte de combat. Je l’ai aussi écrit pour ceux et celles qui ont subi quelque chose et qui n’ont pas la capacité de le dire, qui n’ont pas cette force à un moment de le dire".Après la parution de son livre, Jean-Marc Turine a reçu des témoignages d’adultes qui étaient scolarisés dans des collèges catholiques à Charleroi et Liège, mais aussi d’une personne qui habite maintenant au Canada. "Je crois que ça a aidé à libérer leur parole. Toutes ces personnes ont été massacrées comme moi".Jean-Marc Turine a aussi reçu une réaction de la communauté Jésuite : "Elle a reconnu les fautes commises par certains prêtres". Une lettre a également été envoyée à la communauté des anciens du Collège Saint-Michel. "Dans cette lettre, le provincial (ndlr : le directeur) invitait les anciens enseignants et élèves à prêter attention à mon livre et à témoigner de ce qu’ils avaient vu ou connu au Collège".Jean-Marc Turine a aussi envoyé son livre aux évêques de Belgique et au Pape. Il n’a reçu aucune réponse.

Qu’attendre de l’Église ?

Aujourd’hui, Jean-Marc Turine exige de l’Église qu’elle prenne ses responsabilités : "Il faut que l’Église dise stop. En tant qu’autorité morale dans le monde, elle peut décréter une fois pour toutes la tolérance zéro à l’égard de tels faits". Avec beaucoup de colère, Jean-Marc Turine conclut : "Nous sommes des milliers à avoir subi ces mains criminelles. Ces mains qui, en même temps, bénissent la foule".

à lire sur le site de la rtbf

  


 

Jean-Marc Turine pour les Rencontres Marguerite Duras

Guy Brunetaud, Le Courrier du Sud-Ouest, 10 juin 2022
 
« C'est un ouvrage glaçant où l'auteur aborde, lorsqu'il était scolarisé au collège Saint-Michel à Etterbeeck (Belgique) de 1959 à 1963, des viols et agressions sexuelles répétés de la part de trois prêtres jésuites et d'un jésuite en formation. Des blessures qui restent ancrées en lui. Dès 1978, Jean-Marc Turine avait écrit quelques pages qui sommeillaient dans un tiroir. Le silence est propre aux victimes entre hontes et culpabilités pour l'adolescent que j'étais. »
 
 

 

Un douloureux parcours vers une vérité accouchée

Michel Voiturier, AREAW, 2022

Ce livre est étiqueté « récit » par son auteur qui assume ce qu’il raconte de son vécu. Ce n’est pas un plaidoyer. Ce n’est pas un réquisitoire. C’est l’expression difficile d’un passé subi, mis sous le boisseau de l’indicible et resurgi au moment d’entrer dans un âge qui mène peu à peu à la fin ultime de toute existence. C’est la parole d’un corps qui n’a rien oublié. [...]
Turine raconte ce qu’il pensait, éprouvait, ressassait. Il décrit la difficulté à entrer dans la réalité d’une existence ordinaire. Il écrit : « J’étais une marionnette de carnaval en papier froissé ou fait de chiffons comme on en exhibe lors de fêtes populaires pour la plus grande joie des enfants. J’étais dans une détresse sans consolation. C’est ça, je n’étais rien, une simple apparence. Un papier calque. »

 à lire sur le site d'AREAW

 


 

Révérends Pères sur La Viduité

On ne saurait juger un livre sur son sujet. Il convient toujours d’interroger notre trop-plein, sentiment par essence trompeur. Sans doute faut-il continuer à dire la pédophilie dont s’est rendu coupable l’Église catholique. En creuser chaque parcours, continuer à la refuser. Toute la grande force de la parole de Jean Marc Turine vient de ce refus, d’une très longue incapacité à dire. Une sorte de silence, la difficulté à aimer qui s’en suit.
L’auteur explique comment il revient sur des pages écrites d’un jet, les scènes qui reviennent, la culpabilité de s’être laissé prendre. L’incapacité aussi à totalement se laisser prendre dans une parole collective. Lorsque qu’enfin l’infâme (pour causer comme Voltaire) prétend accepter d’endosser ses responsabilités, Jean Marc Turine ne parvient pas à aller jusqu’au bout, à donner des noms, à faire revivre le désir de revanche, voire, qui sait de réparation. Terrible sentiment d’irrémédiable d’un vieil homme qui prend enfin la parole pour, magnifique sentence : « signifier à beaucoup d’autres jeunes ou vieux, d’autres abîmés ou irréparés, d’autres veilleurs de vie : nous nous connaissons. » 
Révérends Pères ou la valeur de la solidarité par-delà, à cause ou grâce aux traumatismes individuels. Une tension vers le collectif, toujours. L’enfance sauvage, les instants où l’on parvient à échapper aux déterminismes bourgeois, de ses échappées qui, sans doute, permettent d’en dire tout le conformisme.

Les formes absurdes de toute forme d’autorité bourgeoise et chrétienne pour perpétuer l’ordre de l’ainsi. Le pourquoi étant banni.

raumatisme d’un déménagement, l’éducation de la rue laisse place à celle d’un collège rupin. Mauvais élève, belle gueule. On le retient, perversité de l’approche pour son bien. Demeure alors le pourquoi. Geste incompréhensible comme l’oubli dont l’auteur si longtemps l’a recouvert. Les toilettes à la sortie où il pleure. Sentiment d’être prisonnier de la répétition, sensibilité à jamais déformée. Plus tard reste l’ambiguïté de l’abus quand il est commis par une personne avec autorité, quand il parvient à arracher une forme de participation. Jean Marc Turine éclaire la détestation de soi, le déni qui l’accompagne. Soulignons quelques éléments freudiens qui semblent un rien plaqués sans pour autant enlever de la force à cette dénonciation. 

à lire sur La Viduité.

 


 

La mémoire du corps

Sur la route de Jostein, 2022

La mémoire du corps

Jean-Marc Turine écrit sur son enfance et son adolescence. Des faits qui se sont déroulés il y a plus de soixante ans. Si la mémoire est parfois défaillante, le corps ne peut oublier. Déjà en 1978, l’auteur avait tenté d’écrire l’horreur sur quelques pages. Puis il a consacré sa vie à l’écriture, à la réalisation d’émissions ou de films sur des apprentissages de vie douloureux. En 2018, une scène entre un homme âgé et un jeune homme lui remet cruellement en mémoire l’horreur de sa scolarité dans un collège jésuite. Si il n’a jamais souhaité dénoncer ses agresseurs ou se venger, il se doit d’écrire cette histoire avant de mourir.

Une enfance meurtrie

La scolarité de Jean-Marc Turine débute mal. En maternelle, pour avoir embrassé une petite fille, l’enfant de cinq ans reçoit une gifle d’une religieuse. Il en gardera toujours un dégoût profond de l’école. En septembre 1959, il entre au collège Saint-Michel de Bruxelles en sixième latin-grec. Ce collège est dirigé par les Jésuites. Ce cancre à la gueule d’ange se fait vite repéré par le père C., le titulaire de sa classe.

 

 Le père W. avait la conviction de pouvoir me broyer d’un mot, d’un regard, sa suffisance glacée, sa jouissance à pouvoir décider de qui vivra et de qui mourra s’est brisée dans mes yeux, c’est moi qui l’ai écrasé.

Si le père W. le convoque régulièrement pour le réprimander pour le travail non fait, c’est dans la chambre du père C. qu’il découvre que les mains faites pour prier peuvent aussi être baladeuses.

Cette main, ne pardonnait-elle pas les péchés de ceux qui s’en confessaient lorsqu’elle effectuait le signe de crois en signe d’absolution?

Plus tard, il y aura le vieux et puant père D. , le photographe puis le jeune père L., un professeur de français dynamique obsédé par la vierge Marie.

Ils ont bousillé des années entières de ma vie.

Un récit troublant d'honnêteté

On peut s’interroger sur autant d’acharnement. Ce texte est surtout intéressant pour le questionnement intime de l’auteur. Si il a l’impression d’être une autre version de ce jeune garçon qui a subi ces violences, un dédoublement salvateur, il ressent aussi de la culpabilité doublée d’une honte brûlante.

Comment s’est-il fait que j’ai accepté toutes ses convocations sans réagir?

Telle une femme battue qui ne peut se défaire de son tortionnaire, l’enfant vivait « sous occupation. » Même à dix-sept ans, avec le père L., il ne pouvait se résoudre à sortir de cette emprise, craignant les menaces suicidaires de celui qui lui a aussi ouvert une porte vers la littérature et la poésie.

L'écriture salvatrice

Quelques bribes de son quotidien montrent l’aveuglement et le détachement des parents. Seul son ami Joseph, brutal et bagarreur, aurait pu être son confident si un déménagement ne les avait éloignés. L’enfant est seul et pris au piège.

L’Eglise ressemble furieusement à un parti politique : il est illusoire d’imaginer pouvoir la/le changer de l’intérieur. Soit tu adhères, soit tu la/le quittes. L’Église est une machine à écraser, à ruiner, à broyer toute velléité de changement en son sein.

Alors, il reste l’écriture. Celle qui permet de comprendre, même soixante ans plus tard mais surtout de dire. Certes les témoignages sont aujourd’hui nombreux et ils commencent à être entendus. Mais quand ils ont la force et la sincérité de celui-ci, la qualité stylistique d’un poète, ils prennent une dimension supplémentaire.
Un cri douloureux, un récit sincère  qui ne peut que nous révolter.

 

à lire ici

 


 

Jean-Marc Turine présente son dernier livre Révérends Pères sur SonaLitté

Le 6 mai sur SonaLittéJean-Marc Turine nous partage un extrait de son ouvrage et répond à quelques questions.

Je ne sais pas si ça me sert à grand chose d'avoir écrit ce livre, mais ça servira peut-être à d'autres. Et qu'on puisse ensemble mener un combat contre cette saloperie qui a détruit tellement de mômes.

 

Ecouter le podcast sur SonaLitté.

 


  

Et dieu dans tout ça ? La pédocriminalité au sein de l’Eglise, avec Jean-Marc Turine

Pascal Claude, émission radio Et dieu dans tout ça ?, RTBF,  24 avril 2022

" — Je n’ai jamais rien dit, ou bien si peu. Mais c’est vrai que ces dégâts-là, ça amène une sexualité un peu foutue…
— Ça empêche d’aimer ?
— Aimer physiquement, peut-être, enfin au sens sexuel du terme. Mais non, pas dans l’âme, on peut aimer dans l’âme, et ça c’est d’une manière très forte… Mais c’est très délicat de raconter cela parce que pour chacun ce n’est peut-être pas pareil. Pour moi, oui, voilà. 
Et vous savez, on le sait aussi ça : des jeunes gars ou des jeunes filles qui ont été violés, c’est un fardeau, une honte que l’on porte pendant des années et des années. On ose pas dire « j’ai été ceci, j’ai subi cela ». Comme si la salissure ne partait jamais, et c’est ça le sentiment : c’est un corps sali, un corps sur lequel on aurait craché, et on ne s’en départi pas, jamais. "

 

À écouter au complet ici.

 


 

Quelques mots de Jean Marc Turine pour la radio VIVACITÉ

Une courte émission de Bruno Schmitz diffusée par VIVACITÉ durant le journal de 7H30 le 7 avril 2022.
Nicolas Kekatos à la rencontre de Jean Marc Turine pour son livre Révérends Pères.

"Qu'importe le nombre de prédateurs, je pense qu'une seule fois ça suffit, que ça dure dix minutes ou une heure c'est pareil. Le corps aura été pourri, sali par un acte, et la destruction qu'il provoque est immense et irréparable."

 

À écouter ici.

 


  

"Le Secret m'harcelait" Discussion avec Jean Marc Turine 
sur 
Bibliolouve Une heure à la bibliothèque

Un entretien en 6 épisodes avec Jean Marc Turine sur son livre Révérends Pères en compagnie de Véronique Janzyk. L'émission est diffusée sur Bibliolouve - Une heure à la bibliothèque le 4 avril 2022.

"Le Secret m'harcelait"...
Pourquoi avoir subi si longtemps, pendant des années, quatre ans, sans dire un mot ? "Ma mère a soupçonné quelque chose. Je n'ai jamais rien dit. J'ai voulu effacer cela de ma mémoire, je suis remonté plus loin que l'âge de mes treize ans, j'ai effacé plus loin. Je voulais que mes enfants et mes petits-enfants sachent. Mes fils ne veulent pas entendre ces histoires. Ils ont été effarés par le père souffrant que j'étais, alcoolique. J'avais commencé à écrire un texte en 1978, mais il n'était pas juste, il n'avait pas de musique, de virulence, d'amour et d'amitié ?
Pourquoi sortir du silence ? Le silence familial m'avait peut-être contaminé. Mon grand-père avait été gazé pendant la Guerre. Il était médecin. Il est sorti détruit de la guerre. Il buvait. Il avait pris des médicaments. Son histoire a été tue. Je lui a rendu hommage en écrivant mon roman Foudrol en 2006. Moi-même je n'ai pas voulu un mystère de cet ordre. Ma famille le devinait. Ils me voyaient boire. Aujourd'hui, je suis sorti de l'alcool. C'est difficile d'expliquer le pourquoi des choses, mes explications restent un peu dans le flou. Je ne sais pas si j'ai écrit l'indicible.

Une heure à la bibliothèque est l'émission de la Lecture publique initiée par le Réseau louviérois de Lecture publique et CFM. Son contenu est aujourd'hui largement partagé par les radios indépendantes en Hainaut et plus largement en Fédération Wallonie Bruxelles.

 

Écouter l'épisode 1 et l'épisode 2.

 


 

Révérends Pères de Jean Marc Turine dans En lisant, En écrivant

Article de Floredelain sur le site En lisant, En écrivant, publié le 28 mars 2022.

" L’enfant ne peut parler. Il sait bien qu’ils sont plus forts que lui, que les adultes ne respectent pas la parole enfantine, qu’elle est délégitimée à peine est-elle prononcée. Il sait bien aussi que ses parents l’ont inscrit dans cette institution catholique dans le but de lui assurer le meilleur enseignement, car cet établissement à bonne réputation. Ils vont même déménager et s’en rapprocher, mettant ainsi un terme aux seules joies de l’enfant qui tenaient à son quartier populaire et pauvre mais dans lequel il aimait vivre et où il comptait plusieurs copains. Conforme aux idéaux bourgeois de ses parents pour lesquels l’image qu’on donne de soi est essentielle, cette nouvelle adresse le coupe de tout ce qui pouvait le distraire de son calvaire.

Et puis comment expliquer ce qu’il ne s’explique pas à lui-même, comment passer au-delà de la barrière de la honte et de la culpabilité qui l’engluent, de la peur intense avec laquelle il vit tous les jours, comment répondre aux questions qu’on ne manquera pas de lui poser. Et si on ne le croit pas ? Aucun enfant n’a les mécanismes intellectuels et psychologiques pour comprendre ce qui lui arrive et prendre des décisions. Il est seulement écrasé et broyé, survivre est sa seule préoccupation, quand elle l’est encore.

Il ressent tant de haine pour ses bourreaux qu’il souhaite leur mort, seule façon de se délivrer d’eux pour de bon." 

 

Lire la suite de l'article ici.

 


 

"Le silence, âge de ténèbres"

Cédric Petit, Le Soir, 20 mars 2022

 


 

Podcast critique de Révérends Pères de Jean Marc TURINE

Émission Paludes de Nikola Delescluse, disponible sur Soundcloud le 25 mars 2022.

Extrait (6.22min) :
Le texte de  Jean Marc Turine ne c’est pas écrit facilement ; il s’écrit bien des années après les événements, après ce que sa mémoire a tenté d’occulter, d’enfouir. Même si le corps n’a jamais totalement oublié ou fait disparaisse ses événements. Même s’il est conscient que tout cela l’a fracassé véritablement, a complètement bouleversé ce qu’il était comme individu. Ca a perturbé ses relations amoureuses, son développement, sa manière d’être au monde, sa confiance en lui.
Et c’est dans un état de sujétion permanente, comme s’il été soumis à la férule de ces êtres, comme s’ils avaient réussit à l’hypnotiser, qu’il relate ses souvenirs très parcellaires, fragmentés, dont on devine qu’il est très douloureux de les faire revenir au jour et de les faire revenir ici sous la plume. Le texte lui a coûté durs efforts, il a déjà trainé durant de très nombreuses années, et le fait de le voir enfin aboutir est aussi un moyen, non pas de régler ses comptes, puisqu’il a décidé de ne pas nommer les Révérends Pères en question, se contentant tout simplement de leurs initiales, ne cherchant nulle vengeance, c’est comme ça qu’il le présente, mais avec des termes, une violence, une douleur que l’ont sent fréquemment sous les mots.

 

à écouter ici.

 


  

La société vue par les romanciers - Dérives en tout genre

Martine Freneuil, Le Quotidien du Médecin, 25 mars 2022

« Révérends Pères » est un livre à part dans le travail de Jean Marc Turine, qui, sous la forme de documentaire ou de fiction pour la radio ou la télévision (il a reçu par deux fois le grand prix de l’Académie Charles Cros) ou par le livre (« la Théo des fleuves » a remporté le Prix des Cinq Continents de la Francophonie en 2018), n’a cessé de donner la parole aux sans-voix et aux opprimés. « J’écris, pour la première fois, sur des comportements ou des agissements qui se sont produits il y a près de soixante ans », commence-t-il : les agressions sexuelles répétées par des pères jésuites du Collège Saint-Michel à Bruxelles lorsqu’il était jeune garçon.

 

Lire l'article au complet ici.

 


 

À jamais "irréparé"

Michel Paquot, L'Avenir, 22 mars 2022. 

 

 


 

"Je voulais tuer ceux qui me faisaient ça"

Elise Racque, Télérama, 17 février 2022

 

 


  

"Jean Marc Turine : écrire enfin l’indicible"

Nausicaa Dewez, Le Carnet et les Instants, 2022

" Dans ses œuvres radiophoniques, dans ses livres qui souvent leur répondent, Jean Marc Turine s’est attaché à donner voix à ceux et celles que l’on n’écoute pas : Liên, la jeune Vietnamienne au corps détruit par l’agent orange dans Liên de Mê Linh, ou le peuple rom dans La Théo des fleuves – un roman qui a valu à son auteur le prix des Cinq continents de la Francophonie. Avec Révérends pères, c’est un silence d’une autre nature que l’écrivain brise : il met en mots les agressions sexuelles que lui ont infligées à l’adolescence plusieurs jésuites, professeurs du Collège Saint-Michel où il était scolarisé, et désignés par une initiale dans le livre.

Le récit de Jean Marc Turine est de ceux qui ne nous quittent pas une fois le livre refermé. Il nous laisserait incrédules s’il n’était pas si évidemment vrai, si manifestement authentique. Car de son écriture toujours aussi juste et maitrisée, c’est une mécanique implacable d’abus de jeunes adolescents que l’auteur relate à partir de son histoire personnelle. Au Collège Saint-Michel où il menait en cancre (c’est lui-même qui le dit) une scolarité poussive, quatre de ses professeurs, des jésuites, l’ont violé, successivement et de façon répétée.

Tout autant que le récit des faits, le livre est aussi celui de la réticence à les raconter. L’auteur ne s’en est jamais ouvert à ses proches ou à quiconque, n’a jamais déposé plainte. Pour enfin livrer son histoire, s’en dé-faire peut-être (« avant ma mort »), c’est par l’écriture et non par la parole qu’il passe :

Donc écrire ce que je n’ai jamais révélé. Jamais. […] jamais je n’ai avoué, terme erroné puisque je serais dès lors coupable de ce qui m’a été imposé, jamais je n’ai raconté […] l’ampleur des dégâts, des blessures, avec la plus juste exactitude, la résurgence de l’existence vécue. Son intensité. Son désespoir. Sa déchéance. Sa turpitude. Son indicibilité. Sa banalité.

Sortant du silence, l’écrivain est alors confronté à la difficulté de témoigner – fût-ce de sa propre expérience. Son exigence? Raconter les faits « avec le plus de justesse possible » – ce qui implique à la fois d’écrire en toute sincérité, mais aussi d’être lucide sur les moments où l’exactitude se dérobe. Et d’en informer les lecteurs. Ainsi, souvent, Turine interrompt son récit pour faire état de trous de mémoire. Scrupuleusement, il note les moments où les souvenirs se font vagues, où l’incertitude règne. Autre difficulté : le choix des mots.  Sur ce plan aussi, Jean Marc Turine fait œuvre de rigueur, s’attachant à restituer le passé tel qu’il a été vécu et perçu, en le distinguant de ce qui constitue une mise en récit postérieure : certains termes n’étaient pas connus de l’adolescent, les mots de l’adulte s’imposent sur la réalité vécue par le jeune et rendent le récit plus précis, mais aussi partiellement inauthentique.

Parmi les mots qui sont venus plus tard, il en est un toutefois, que l’auteur revendique, car il est seul propre à qualifier les sévices que les prêtres lui ont fait subir :

L’irréversibilité du viol – est-ce autre chose ? – reste imprimée comme un tatouage illisible marqué au fer dans ce que je suis […]

Le viol se grave dans le corps de la victime, la conduisant à rejeter tous les contacts physiques amicaux, amoureux ou anodins :

Surtout qu’on ne me touche plus. Après ma libération, pendant de très longs mois, j’ai fui les baisers, les accolades, entre amis. Même un serrement de mains me révulsait.  

Alors, Jean Marc Turine s’autorise à exprimer la colère, la rage qui ne l’ont pas quitté : « Il est temps de l’écrire avant ma mort pour les anéantir définitivement, ces minables mecs ensoutanés, si banalement dépravés, parce que de pareilles infamies donnent envie de tuer ». Et le titre, Révérends pères, s’impose dans toute sa mordante ironie.

Le 19 février, France Culture a diffusé la version radiophonique du livre, mise en voix par Jacques Gamblin. Ainsi l’indicible est-il finalement dit. Par un autre. "

 

à lire sur le site Le Carnet et les Instants : ici


 

FICTIONS / SAMEDI NOIR par Blandine Masson

Le samedi 19 février 2022 de 21h à 22h et en podcast sur le site de France Culture

Révérends pères  de Jean Marc Turine

Lu par Jacques Gamblin

Réalisation : Juliette Heymann

Conseillère littériare : Caroline Ouazana

Assistante à la réalisation : Claire Chaineaux

Prise de son, montage et mixage : Pierric Charles, Eic Villenfin, Dhofar Guerid

Publié dans sa version intégrale le 4 mars 2022 aux éditions Esperluète