Je me souviens de ta main qui traçait des lignes à la craie sur les tissus. De ton trait de coupe, tu délimitais des territoires entiers, qui portaient les noms de crêpe de Chine, bourrette de soie, panne de velours, lin, coton suisse, tweed, toile, gabardine, flanelle, étamine de laine…
Entre souvenir d’enfance et malentendus liés à la langue, Florence Gilard esquisse à petites touches sa relation à sa grand-mère.
Elle décrit les gestes sûrs de la couturière qu’elle était, les jeux d’enfants, les mercredis passés chez elle et la difficulté de se séparer. Reprenant à son compte les gestes consistant à assembler et coudre ensemble les morceaux de tissus, elle compose un récit, fait de pièces qui ne semblaient pourtant pas tenir ensemble. Malentendus ou incompréhensions langagières, des petites phrases énigmatiques ou confuses pouvaient alors donner lieu à des représentations erronées, décalées, émaillées de drôleries. L’étrange : The end, te and, the hand... devient le point de départ de son récit. Qu’est-ce que ces mots anglais entrés dans l’univers de l’enfance grâce aux cow-boys dans les films de western peuvent bien avoir à voir avec les Américains venus libérer la France il y a si longtemps ? La naïveté d’alors fait place à un regard amusé et tendre sur ce qui se transmet à travers le récit familial.
Dans cet objet hybride, graphique et poétique, l’autrice suggère plus qu’elle ne démontre. Elle nous offre un regard sensible et intime sur le temps qui passe, la nostalgie de l’enfance, la fin de vie, la tendresse qui lie les générations d’une même famille et savoir dire au revoir tout en gardant précieusement ses souvenirs. Florence Gilard utilise plusieurs techniques graphiques pour recréer cette toile de souvenirs et de nostalgie de l’enfance. Dessins aux crayons de couleurs, anciennes photographies, fil cousu dans la page se mêlent pour dérouler le fil de cette histoire intime.