[presse] Le cercueil de verre
Au milieu de chaque conte, il y a un autre conte. Au bout de chaque conte, un conte nouveau. À la différence du rêve, c’est nous qui les inventons, et qui pouvons les réaliser. Il suffit de soulever le couvercle du cercueil de verre. Il était une fois… (Joseph Bodson)
Reflets Wallonie-Bruxelles n°75 : janvier - février - mars 2023
Reflets Wallonie-Bruxelles est l'organe officiel de l'Association royale des écrivains et artistes de Wallonie (AREAW) depuis 1949. Elle traite aussi bien de la littérature en langues régionales qu'en français. Tous les trois mois, elle fait place à des textes de création en français et en langues régionales, comporte aussi des pages d’actualité et de critique de livres récents, des études sur des artistes de chez nous, ainsi qu’une revue des revues.
Myriam Mallié est conteuse et peintre professionnelle, elle a donné de nombreuses formations et a été formée elle-même à l’art-thérapie à l’INECAT (Paris)
Ce livre frappe le lecteur, dès l’abord, par la diversité de ses contenus. C’est que le conte, on s’en apercevra au fil des pages, c’est bien plus que le conte. Il ne faut pas oublier que dès les premiers temps de la parole, le conte a précisément servi à son apprentissage et à son exercice. S’il paraît plus spécialement destiné aux enfants, il a aussi meublé les longues nuits d’ hiver de la proto-histoire, les veillées de Cro-Magnon, et qu’il peut servir, aujourd’hui encore, à introduire l’enfant dans le monde adulte, après de difficiles épreuves C’est ce qu’exprime si bien La psychanalyse des conte de fées, de Bruno Bettelheim. C’est ce que l’on retrouve aussi dans les pénétrantes analyses de l’école formaliste russe, insistant sur la présence nécessaire d’adversaires et d’alliés du héros. Importance aussi de la formule-clé ouvrant la porte des contes : Il était une fois…, avec ce contraste entre la longue durée et la brièveté surprenante de l’une fois.
Rien d’étonnant donc si Myriam Mallié, partant du conte traditionnel, nous entraîne en des domaines qui pourraient lui sembler étrangers. C’est que le conte, aux racines mêmes de notre culture, s’attache de très prés à toutes nos démarches, intimement mêlé à nos combats, à nos longues attentes, à nos espoirs et à nos défaites, à nos rêves qui les entourent et les révèlent. Une bonne part de notre littérature en est issue, des Mille et une nuits au Grand Meaulnes, en passant par le Songe d’une nuit d’été.
Rien d’étonnant non plus si dans le cours cette belle étude, elle change assez souvent de registre, partant du conte en ce qu’il a de plus classique pour déboucher sur les problèmes les plus courants, les plus actuels que nous pose la vie ; rien d’étonnant à ce qu’elle prenne pour alliée et pour interprète cette vieille dame, Elisa, dont l’office est de servir en quelque sorte de truchement pour passer de l’existence quotidienne au grand courant de la vie et de l’espoir, qui nous permet de reprendre pied et de progresser :
Elle : trop de questions aussi. Le songe surgit quand nos yeux s’aveuglent de la nuit qui vient, que les oiseaux se taisent, que le grand calme du soir prend possession de l’espace et que nous sentons monter l’angoisse qui peut prendre figure d’épouvante. Le désir aussi de nous sentir plus proches.
Là, au bord de cette angoisse, et de ce désir, j’ai ma place. Alors vient la parole conteuse. Ce monde que le conte appelle, on ne peut y rester. C’est trop fort, trop lourd, trop intense. C’est le pays des morts et des fous. Tu n’as pas idée de ses forces.
Moi : j’ai idée de ses joies. Je les ai connues ce soir encore. Grâce à toi.
Elle : c’est le conte que tu as vu et ses grandeurs, qui nous métamorphosent. Ce n’est pas moi.
Au milieu de chaque conte, il y a un autre conte. Au bout de chaque conte, un conte nouveau. A la différence du rêve, c’est nous qui les inventons, et qui pouvons les réaliser. Il suffit de soulever le couvercle du cercueil de verre. Il était une fois…
Joseph Bodson
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